La liberté d’insulter, n’insulte pas la liberté

24 Janvier 2022

Particulièrement au cours des années d’élections, l’insulte vole bas, comme les hirondelles lorsque l’orage est proche.

L’année 2022 devrait, à cet égard, rester dans les annales comme un excellent cru.

Recourir à l’insulte pour soutenir une controverse est rarement l’attitude de celui qui a de fortes convictions, ancrées sur une longue réflexion, et c’est même presque la signature du vaincu, même quand sa position dans les plus hautes sphères pourrait faire croire qu’il a tout à perdre à s’abaisser ainsi.

Reconnaissons, cependant, que l’on ressent parfois le besoin d’un exutoire … où l’insulte peut jouer ce rôle, à condition que ce soit exceptionnel et à dose homéopathique.

J’ai connu un ami de papa, ingénieur militaire comme lui qui, recherché par la Gestapo en 1943, se cassait des assiettes sur la tête quand la pression psychologique dépassait le seuil du supportable pour lui. Chacun se défoule comme il peut.

A Bron, ville limitrophe de Lyon du côté Est, il existe une très ancienne tradition qui s’appelle « la fête des insultes » qui permet le jour de la Saint Denis de proférer les pires insultes sans risquer de se retrouver poursuivi devant un tribunal.

La ville de Bron, possédant une relique de Saint Denis, l’évêque de Paris, décapité au III^e siècle, la localité avait pour date de sa fête patronale, le 9 octobre, en l’honneur de ce saint. Il se trouve que c’est aussi à cette période de l’année que le vin nouveau se met en tonneau … et la foule venant se réjouir à Bron pour la Saint Denis, se laissait aller à des libations qui faisaient hurler les buveurs et taire les convenances, sans que quiconque réagisse. C’est ainsi que, le 9 octobre, jour de la Saint Denis à Bron, devint au moyen-âge le jour de « la fête des insultes ».

Cette manifestation tomba en désuétude sous la Restauration, probablement parce que les rois Louis XVIII et surtout Charles X craignaient plus que tout les critiques inspirées par les opposants de tout poil … particulièrement lorsqu’ils étaient Bonapartistes.

La tradition revint ces dernières années et si vous voulez pouvoir insulter abondamment toutes les autorités civiles, militaires et ecclésiastiques , venez donc le 9 octobre à Bron … mais, pendant la période électorale actuelle, abstenez-vous d’injurier qui que ce soit en rajoutant votre grain de sel à une cacophonie déjà bien peu ragoutante … gardez plutôt des réserves pour la prochaine Saint Denis.

La liberté d’insulter, n’insulte pas la liberté

En bon Tintinologue, mon modèle d’injurieur de choc c’est le capitaine Haddock … même quand ses insultes sont muettes, car chacun peut y mettre le contenu de son choix.

Jean-Paul BOURGÈS 24 janvier 2022