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A la terre, comme au ciel

C’est par une photo d’un beau ciel d’été à « La Chaumette », prise par mon petit-fils, Meilik, que je commence ce billet consacré à l’ouvrage de Nouzha GUESSOUS que m’a offert Bélaïd, orné d’une sympathique dédicace de l’auteure.

On a longtemps prétendu que la Terre est au centre de tout ?

On a longtemps prétendu que la Terre est au centre de tout ?

Que de chemin parcouru en si peu d’années … pour passer du monde tel que nos lointains ancêtres le pensaient, il y a moins de cent générations (Chez les souris une centaine de générations cela fait moins que mon âge), à notre maigre connaissance actuelle du fait que nous vivons sur une planète tournant autour d’une petite étoile, située sur le bord d’une galaxie qui comporte plus de cent milliards d’autres étoiles … parmi des milliers de milliards d’autres galaxies … et dans un mouvement permanent !

La seule chose immobile dans tout ceci, c’est la pensée de certains hommes qui ne peuvent ni concevoir, ni admettre, que leurs dogmes puissent être même simplement interrogés … et, pourtant c’est sur la base des ces dogmes que repose leur pouvoir d’imposer des règles de vie plongeant au plus intime de chacun.

Mais revenons-en à « Une femme au pays des Fouqaha », sous-titré « L’appel du houdhoud », autrement dit « de la huppe ».

Cet essai (ISBN 978-9920-769-96-9) d’une très grande scientifique marocaine de renommée internationale (Elle a été, entre autres, présidente du comité international de bioéthique de l’UNESCO) raconte et analyse des moments-clés de sa jeunesse à Fès (J’adore la ville de Fès) mais aussi de son expérience professionnelle au CHU de Casablanca et elle les intègre à son vécu de membre de la « Commission royale consultative chargée de la révision du code de la famille », à laquelle elle fut nommée par le roi Mohamed VI, il y a environ 20 ans.

Inutile et impossible d’énumérer tous les détails de l’abîme intellectuel séparant une biologiste de son niveau et les théologiens entièrement tournés vers la conservation du moindre détail de leurs dogmes, aussi fragiles qu’ils soient et c’est la raison de ce détour que je fis par la simple observation d’un ciel, avant de revenir sur terre, car cela m’a fait penser aux débats autour de la place de la Terre dans l’Univers.

Deux mots de Nouzha GUESSOUS doivent être tout d’abord expliqués. Que sont les Fouqaha ? et que vient faire ici le houdhoud ?

Les Fouqaha, précisément les « clercs religieux » formés à la charia, sont les « gardiens du temple théologique » qui sont chargés de s’opposer avec la plus extrême fermeté à la remise en cause du moindre détail de la construction religieuse qui sert de fondement au code de la famille qui définit de façon immuable la place et les rôles des hommes et des femmes … et il est évident qu’une femme biologiste dans ce contexte ne peut leur apparaître que comme une éléphante dans leur univers de porcelaine en danger.

Quant au houdhoud, c’est-à-dire la huppe, elle correspond à l’un des avatars de cette femme qui, fille-oiseau depuis sa petite enfance, fut associée à la huppe du récit coranique de Sidna Souleyman.

« E pure … si muove » aurait dit Galileo Galilei, après avoir reconnu « ses erreurs » devant le tribunal de l’Eglise catholique, opposé à la remise en cause scientifique de la vision officielle de l’organisation de l’Univers.

Pendant des mois et des mois, Nouzha GUESSOUS, dut entendre des énormités, souvent carrément incohérentes, de la part de ces Fouqaha dont on peut juste se demander si leur premier objectif était qu’aucune contestation des textes religieux ne puisse être tolérée … ou s’il s’agissait principalement de maintenir les femmes dans leur état de subordination totale aux hommes en utilisant pour cela des textes, pas toujours si clairs que ça ?

A vrai dire les deux objectifs se combinent aisément dans le sens d’un immobilisme qui est la première caractéristique de ces personnages.

Toute une galerie de portraits familiaux émaille cet essai et je ressens une tendresse particulière pour son père, si fin, si peu macho … sans, pour autant se rebeller mais qui fit en sorte de permettre à sa fille d’épanouir son immense potentiel intellectuel. Sa mère est, elle aussi, très intéressante en gardienne du temple familial, peu portée aux effusions, et pourtant facteur de douceur réelle, inspiratrice de résistance calme aux traditions et à l’injustice faite aux femmes. Ses frères sont un peu moins mis en évidence (Sauf, ce frère, Mamid … son « maître rossignol », qui mourut trop jeune et dont on lui cacha le décès pendant deux semaines), tout en ayant été des agents importants de l’évolution de leur sœur. Les oncles sont très présents mais uniquement comme un rempart sociétal à toute évolution. Enfin, un personnage abstrait joue un rôle majeur dans ce processus de libération des carcans … c’est la société parisienne post-soixante-huitarde toute bouillonnante de contestation sur les rapports entre hommes et femmes, qui met en avant le MLF jusque dans ses outrances.

La participation de Nouzha GUESSOUS à la commission mise en place par Mohamed VI n’aurait eu aucun relief sans cette influence du MLF et sans la formation scientifique de celle qui ne peut pas, sans se trahir, accepter des « C’est comme ça, parce que ce fut écrit il y a plus d’un millénaire » quand son savoir de biologiste la convainc du contraire.

Quand on sait où en est la place des femmes au Maroc et dans beaucoup d’autres pays, on ne peut pas refermer ce livre magnifique sans se dire qu’il faudra encore beaucoup de Nouzha GUESSOUS pour sortir de cet écrasement des femmes par les hommes.

Pour ne pas imaginer que ces situations ne concernent que le monde musulman du début du XXIe siècle, rappelons-nous aussi qu’il fallut attendre le concile de Trente, en 1563, pour que l’Eglise Catholique, dont procédaient les pouvoirs politiques en Europe, veuille bien accorder aux femmes … une âme. Et la France ne fit des femmes des citoyennes égales des hommes qu’en 1945, ayant le droit de disposer d’un compte bancaire que 20 ans plus tard !

Il me revient alors à l’esprit la phrase de Boileau qui me semble résumer la durée nécessaire de ce combat permanent et jamais achevé : « Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, Polissez-le sans cesse, et le repolissez, Ajoutez quelquefois, et souvent effacez  ».

Jean-Paul BOURGÈS 6 août 2022

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« Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, Polissez-le sans cesse, et le repolissez, Ajoutez quelquefois, et souvent effacez ».<br /> <br /> ...et ne pas oublier de changer d'outil s'il n'a plus aucune chance d'être convivialiste https://www.cairn.info/revue-recma-2017-4-page-27.htm...<br /> <br /> A bientôt.<br /> Amitié.
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