Il faut garder la frite

22 Janvier 2022

En ce moment, reconnaissons-le, il faut avoir un moral d’acier pour ne pas se laisser aller à la morosité qui suinte de partout dans l’ensemble des médias … même si la pandémie semble décidée à faire une pause après un soubresaut en début d’année … qu’on espère être le chant du cygne.

On glose souvent sur « l’american way of life » qui fait rêver certains et fait horreur à d’autres et l’on trouve des uns et des autres à gauche et à droite. Mais j’ai rarement entendu parler de « belgian way of life », dont chacun sait que la frite est le marqueur principal … avec, il est vrai, les moules.

Mais, modestes et plein d’humour, les Belges ne nous assomment pas tout le temps en nous rappelant leur rôle fondamental dans la frite qui a pris une telle place dans l’économie mondiale que l’on en mange, en abondance, sur tous les continents et que pour rassurer nos proches devant une mauvaise mine, on leur affirme : « Ça va très bien … j’ai la frite ».

Malgré cette discrétion belge, l’économie de la frite … qui repose évidemment sur celle de la pomme de terre, est en train d’avoir des conséquences géopolitiques qui font penser au premier choc pétrolier … qui ne se situe pas en 1973 … mais en 1956 lors de la crise de Suez, consécutive à la décision du colonel NASSER de nationaliser le canal de Suez (Le canal étant fermé à la circulation maritime, le pétrole du golfe persique n’arrivait plus en Europe et un rationnement avait été mis en place dans la fourniture d’essence. Je me souviens de mon frère qui lançait sa voiture dans les descentes … puis passait en roue libre avec le moteur coupé, jusqu’à passer la montée d’après sans avoir rallumé son moteur).

En ce moment c’est à peu près ce qui se passe au Japon où la pomme de terre manque en raison de difficultés de transport des pommes de terre produites au Canada et les portions de frites ont donc été réduites … avant, peut-être, de ne pouvoir être achetées que contre la remise d’un ticket de rationnement mis en circulation par les autorités japonaises.

Rempli comme ça … ce cornet devient un luxe rare au Japon

Mais, au même moment, en Suisse, il se produit l’inverse … la fermeture des fast-food en raison du covid, a provoqué un effondrement de la vente des frites et, du coup, des stocks de pomme de terre excessifs … et par conséquent une chute du prix que touchent les producteurs du tubercule de Monsieur Parmentier, qui sont donc menacés de faillite.

Gérer et réguler les différents flux de marchandises est si compliqué que les plus feignants d’entre nous se réfugient derrière un axiome bien commode qui dit « laissons faire le marché … le marché ne se trompe jamais ». Pour ceux qui pensent comme cela, le marché a, en effet, une qualité essentielle … la volonté humaine n’y joue aucun rôle. Je pense exactement le contraire … le principal défaut du marché, c’est précisément que l’homme n’y joue plus aucun rôle.

Et si l’on veut garder la frite, on a tout intérêt à laisser une place majeure à l’homme dans les orientations économiques. C’est là, l’un des principaux points de différenciation entre une politique de droite et une politique de gauche.

Jean-Paul BOURGÈS 22 janvier 2022