30 Mars 2022
Le covid nous a appris de nombreuses choses sur les ressorts de notre vie sociale … en particulier dans le domaine des relations du travail.
Quand il fallut limiter les contacts pour freiner les contaminations, on recourut à des confinements plus ou moins stricts et l’on imposa aux employeurs de faire travailler depuis chez eux leurs salariés dès que leur emploi le permettait.
« Mon salarié, loin de mon regard pour le surveiller ? » … impossible dirent beaucoup d’employeurs … qui organisèrent quand-même le télétravail … puisque l’Etat en faisait une obligation, et les chefs d’entreprise inventèrent les solutions technologiques pour assurer la surveillance permanente du salarié à son poste de travail chez lui … jusqu’à oublier parfois de prévoir les quelques minutes pour aller soulager sa vessie.
Les capitalistes sont, à cet égard, victimes des bases de leur propre rémunération puisque celle-ci se fonde sur des « jetons de présence ».
Cette obsession du temps de travail, au lieu de la valeur du travail fourni, est, à mes yeux, le signe d’une relation dissymétrique entre employeur et employé à l’occasion de laquelle l’employeur achète un temps de travail dont il fait bien ce qu’il veut (Les marxistes appelèrent ça « l’aliénation du salarié »).
Pour bien confirmer le rôle central de la présence dans notre vie sociale et professionnelle, où certains ne sont que présents mais sans rien produire, rappelons-nous que nous expliquons pourquoi on a oublié ce qu’une autre personne nous avait demandé, en disant « J’ai dû avoir une absence car je ne me le rappelle pas ».
Un Japonais, dont on connait bien le surinvestissement dans le travail de ses compatriotes jusqu’à risquer d’en mourir d’épuisement, a trouvé un boulot extraordinaire puisque ce qu’il vend c’est strictement sa présence auprès de personnes isolées ayant besoin, non pas que l’on vienne travailler chez elles, mais juste d’avoir une présence inactive à leurs côtés.
Son job original, reposant sur un site internet très fréquenté pour passer commande de son temps de présence, lui rapporte, pour un mi-temps et sans être obligé d’échanger quelque propos que ce soit avec ses clients (Deux en moyenne chaque jour), de l’ordre de 2.000 € par mois.
Pas mal, non ?
Mais que c’est préoccupant que certains soient isolés au point d’acheter le temps de présence d’un inconnu auquel rien d’autre ne les relie. Un poisson rouge tournant dans son bocal devrait suffire et coûterait beaucoup moins.
Jean-Paul BOURGÈS 31 mars 2022