« L’œuvre d’un seul homme »

09/04/2023 10:58

La tournée de notre facteur, en pleine ville de Lyon, doit faire moins de 3 km car elle se déroule sur une petite partie du 9^ème arrondissement de Lyon. Notre boite aux lettres contient, d’ailleurs, de moins en moins de courrier car, même les factures et les publicités nous parviennent par internet … et il en va certainement de même pour tous nos voisins.

Depuis peu, il chevauche cependant fièrement un tricycle motorisé jaune qu’il abandonne sur le trottoir devant notre immeuble avant de déposer les courriers dans chaque boite-aux-lettres.

Qu’il est beau sur son destrier mécanique !

Il y a à peine plus d’un siècle, un autre facteur, dénommé CHEVAL Joseph Ferdinand, devint nettement plus célèbre en parcourant chaque jour, pendant plusieurs dizaines d’années, les chemins pentus de la Drôme des Collines en rapportant chaque soir des cailloux, avec lesquels il construisit un « Palais idéal ».

Sur l’un des côtés de ce palais on peut y voir l’expression de la fierté de Joseph Ferdinand :

Chaque jour, durant 33 ans, il parcourut lestement sa tournée de 30 km pour apporter à domicile le courrier dans les coins les plus reculés … et, puisque, le soir, son sac s’était allégé … il le lestait avec les cailloux qui le tentaient.

C’est avec ces cailloux qu’il édifia cette œuvre étonnante qui nous rappelle qu’un « seul homme » peut bâtir un palais … alors imaginez ce que peut fabriquer une société !

Le facteur qui parcourait les collines drômoises en prenant, au retour, le temps de choisir les pierres qui lui plaisaient, était soumis à une fatigue physique que ne connait plus celui qui va, sur un terrain plat, d’immeuble en immeuble au guidon d’un véhicule motorisé.

Mais la pénibilité, celle qui use les hommes, est bien plus forte chez celui qui chevauche un cheval mécanique et électrifié. Il n’a aucun droit de s’écarter de quelques centimètres de la trajectoire définie par les programmes qui ont fixé le déroulement de sa tournée à la minute près … sans aucun caillou.

Le chanceux n’est pas celui qu’on pourrait croire … et le second disparaîtra d’ailleurs bientôt quand on ne distribuera plus le courrier, qui était, pourtant, le lien le plus évident entre l’ensemble des hommes.

Débuter des échanges sur la pénibilité avec des personnes qui n’ont aucun scrupule (Ce petit caillou qui se glisse sous le pied) c’est voué à l’échec.

Jean-Paul BOURGÈS 9 avril 2023