24 Juin 2022
Lorsque j’étais étudiant, à Paris, il m’arrivait parfois de cesser de courir d’un endroit à l’autre, sitôt les cours terminés, et de m’arrêter dans un troquet pour prendre un verre avec des copains.
Un troquet, ce mot me semblait un diminutif de bistroquet, lui-même construit sur bistrot qui proviendrait des soldats russes (Pas ceux de Poutine, mais ceux d’Alexandre 1er lorsque celui-ci envahit Paris en 1814) qui rentraient dans les débits de boisson en demandant à être vite servis … en disant « быстро, быстро », c’est-à-dire « vite vite »).
Je n’avais, en effet, jamais fait le lien avec le mot « troc » … alors qu’on voit bien qu’un troquet est le lieu des échanges par excellence.
Mais pourquoi ces digressions linguistiques et ces souvenirs d’antan ?
C’est une initiative originale d’un étudiant de l’Ecole Supérieur des Arts et Médias de Cherboug (ESAM) qui m’a ainsi conduit sur les chemins de la rêverie et des divagations.
Rendez-vous compte que cet étudiant, Augustin RÉMY-PALISSON, s’installe sur le marché avec un engin ressemblant à une carriole des quatre saisons et, là, assis il tape des poèmes et propose aux passants de les troquer contre n(importe quoi … sauf de l’argent.
Il mérite au moins qu’en échange de ses poèmes on lui offre des sourires de gratitude pour nous rappeler que tout ne doit pas être traduit en argent … et que le troc a longtemps été à la base des échanges humains qui expriment notre vitale complémentarité et solidarité.
Dans les troquets où j’allais il y a soixante ans, on parlait beaucoup de politique, mais jamais de poésie, et encore moins de la troquer dans cet esprit de détachement des valeurs monétaires … ce qui montre que notre formation fut bien incomplète.
Jean-Paul BOURGÈS 25 juin 2022