Halal ou haram ?

22 Mars 2022

Il y a deux mois nous apprenions qu’une « première médicale » venait d’avoir lieu à Baltimore, à l’hôpital universitaire du Maryland : une xénogreffe de cœur à partir d’un cœur de porc génétiquement modifié. Les modifications génétiques préalables avaient pour objectif de créer une compatibilité tissulaire pour éviter que l’organisme du receveur rejette cet organe que son organisme identifierait comme un corps étranger à rejeter par la mise en œuvre de ses défenses immunitaires.

Sans ce très complexe travail de modification des gènes du cœur du porc, la greffe aurait été rejetée en moins de 72 h … alors que la greffe a tenu plus de vingt fois plus longtemps. Bien sûr la survie du patient ne fut pas très longue, mais c’est pourtant considéré par la communauté scientifique comme un exploit (Louis WASHKANSKY, le premier greffé avec un cœur humain par le professeur Christian BARNARD, n’avait survécu que 18 jours … et, depuis des milliers de personnes ont pu reprendre une vie normale grâce à ces greffes qui sont, aujourd’hui parfaitement maîtrisées).

Le cœur de porc préparé pour la transplantation

Le titre de ce billet résulte, vous l’avez compris, de l’usage d’un porc pour sauver une vie humaine par rapport à l’interdit religieux du porc qu’appliquent les Juifs et les Musulmans.

Loin de moi la volonté de tourner en ridicule quelque conviction religieuse que ce soit … même s’il m’est impossible de croire que des interdits alimentaires aient été voulus par un dieu, d’autant que j’aime beaucoup la viande de porc (Mais quand un musulman mange chez nous, j’achète la viande dans une boucherie halal … et le repas entre nous garde la convivialité nécessaire).

Là où la situation se corse par rapport à l’emploi d’un organe de porc c’est quand on connaît le nom du médecin qui a conduit cette intervention et l’endroit d’où il est arrivé aux Etats-Unis. Il s’appelle Muhammad M. MOHIUDDINE et il est né à Karachi au Pakistan … qui est le creuset de très nombreux intégristes.

Je n’ai lu nulle part que cet acte médical ait déclenché des protestations de milieux islamistes radicaux, ni que le médecin ait reçu des menaces pour ce que beaucoup de musulmans doivent, cependant, estimer scandaleux.

Au-delà, de la performance médicale que je comprends sans, certainement, en mesurer à quel point c’est un exploit, ce qui m’intéresse, là, c’est de voir un bel exemple de ce que, si chacun peut bien avoir les convictions qu’il veut, celles-ci ne doivent jamais être imposées aux autres et que, même parmi les personnes partageant une même conviction, la tolérance doit exister afin de permettre à chacun de vivre sa religion à l’intérieur des règles qu’il a, lui-même, fixées. C’est le fondement de la laïcité, dont je rappelle qu’elle accepte toutes les convictions, mais interdit que les convictions des uns puissent empêcher les convictions des autres et prétendent fixer des règles et des limites aux politiques publiques.

La notion de halal ou haram doit être maintenue totalement à l’extérieur de la sphère commune … c’est la condition d’une vie paisible où vivent désormais des personnes venant d’horizons très divers et pratiquant des religions qui furent dans le passé les motifs de confrontations très violentes.

Jean-Paul BOURGÈS 22 mars 2022