Hélas ou tant mieux

20 Octobre 2020

Je m’efforce toujours à une certaine discrétion et sobriété lorsque arrive un drame humain qui touche largement notre peuple. Cela ne signifie nullement que j’y suis indifférent … bien au contraire … mais dans ces circonstances c’est le recueillement et la réflexion, aussi dépassionnée que possible, qui s’imposent à moi. Pour autant, j’admets et je comprends le besoin qu’ont beaucoup d’autres de se retrouver en masse pour exprimer leur émotion. Je suis nettement plus gêné par la récupération politicienne, de tous les bords (Du ministre qui « découvre » que certaines personnes n’ont pas leur place en France, ou des opposants de toutes tendances qui font assaut de surenchère, souvent maladroite et même délirante).

Hélas ou tant mieux l’émotion retombera vite, comme chaque fois.

Le ministre de l’intérieur se gardera soigneusement quelques extrémistes à expulser sans délai pour « avoir du grain à moudre » à la prochaine occasion. Une fois leurs larmes de crocodiles séchées, les opposants passeront à autre-chose pour les uns … et exploiteront jusqu’à la corde un filon idéal pour entretenir la haine contre une « communauté » qui n’a pas plus à porter le fardeau du terrorisme islamique que les Juifs n’avaient de raison d’être désignés par Hitler comme les responsables des maux allemands dans les années 30.

Ça c’est pour le « tant mieux » puisqu’il y a tellement d’outrance et d’hypocrisie dans ce qui se dit, qu’il est préférable que cela ne dure pas trop longtemps car notre pays est déjà bien assez sur les nerfs, pour que l’on ne lance pas imprudemment une allumette enflammée à côté du baril de poudre.

Mais, au-delà de l’horreur du crime et des problèmes de sécurité qu’il révèle (Sur les réseaux sociaux des menaces contre Samuel PATY, pourtant connues, ne déclenchèrent aucune précaution ou surveillance particulière autour de lui … alors qu’on l’aurait fait pour un « haut personnage »), il y a aussi un hélas ou un tant pis qui correspond au fait de laisser probablement passer une occasion de réfléchir vraiment, à ce qui doit clairement conforter notre laïcité, l’esprit critique et ses limites, la refondation d’un pacte national permettant à chacun de vivre en paix selon ses convictions et dans le profond respect de celles des autres.

J’ai été critique à propos d’Emmanuel MACRON sur « le séparatisme » ( tous-les-separatismes ). Je le suis encore plus désormais car il ne s’agit pas de faire voter au Parlement un texte élaboré autour de l’Elysée … pour montrer qu’on agit. Il faut une vaste réflexion populaire et démocratique pour définir et vérifier comment ceux qui vivent en France veulent vivre au XXI^e siècle, dans un monde où les mouvements de populations s’amplifient et s’amplifieront de plus en plus avec l’arrivée prochaine des « migrations climatiques ».

Rien de véritablement sérieux ne pourra se bâtir tant que les gesticulations et les vociférations ( article-Télérama ) n’auront pas cessé … et, pour l’instant, observons donc la retenue que doit nous imposer l’assassinat de Samuel PATY qui, conformément au programme officiel, voulait faire comprendre à ses élèves ce que signifie « la liberté d’expression dans un pays laïque » (Il est, d’ailleurs, effarant que des élus de la République soient ignorants du fait que la Constitution comporte un article premier qui commence par : «La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Il n’y a donc pas besoin de réviser la Constitution en y ajoutant le mot laïque).

A côté des hurlements de certains, l’Assemblée Nationale, de nombreux conseils municipaux, des écoles, universités et associations ont simplement observé une minute de silence, comme sur ces portées musicales. Il n’y a que cela qui peut nous préparer à reconstruire ce qu’on a laissé se détruire jusqu’à cet acte barbare.

Jean-Paul BOURGÈS 21 octobre 2020