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Bernard PIVOT a déjà rajeuni

Je n’ai pas l’habitude d’écrire un billet à l’occasion de la mort d’une personne connue … et je ne vais pas vraiment faire une exception pour Bernard PIVOT, que j’appréciais beaucoup comme grand amateur des bons repas roboratifs de la région lyonnaise et particulièrement du beaujolais. En plus il aimait regarder les matchs de foot et j’ai aussi cette faiblesse. Pour le reste tout le monde en parle tant que je n’ajouterai pas ma modeste contribution au tsunami de louanges, d’ailleurs méritées.

Non je vais lui donner la parole en reproduisant un texte que j’avais beaucoup aimé, surtout à partir du moment où de plus en plus de personnes, jeunes ou moins jeunes, se levèrent dans les bus et métros pour me proposer leur place.

Bernard PIVOT a déjà rajeuni

Vieillir, c’est chiant! Bernard Pivot

« J’aurais pu dire :
Vieillir, c’est désolant, c’est insupportable,
C’est douloureux, c’est horrible,
C’est déprimant, c’est mortel.
Mais j’ai préféré « chiant »
Parce que c’est un adjectif vigoureux
Qui ne fait pas triste.
Vieillir, c’est chiant parce qu’on ne sait pas quand ça a commencé et l’on sait encore moins quand ça finira.  Non, ce n’est pas vrai qu’on vieillit dès notre naissance.
On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant.
On était bien dans sa peau. On se sentait conquérant. Invulnérable.
La vie devant soi. Même à cinquante ans, c’était encore très bien…. Même à soixante. Si, si, je vous assure, j’étais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme.
Je le suis toujours, mais voilà, entre-temps j’ai vu le regard des jeunes…..
Des hommes et des femmes dans la force de l’âge qui ne me considéraient plus comme un des leurs, même apparenté, même à la marge.

J’ai lu dans leurs yeux qu’ils n’auraient plus jamais d’indulgence à mon égard.
Qu’ils seraient polis, déférents, louangeurs, mais impitoyables.

Sans m’en rendre compte, j’étais entré dans l’apartheid de l’âge.

Le plus terrible est venu des dédicaces des écrivains, surtout des débutants.
« Avec respect », « En hommage respectueux », « Avec mes sentiments très respectueux ».

Les salauds ! Ils croyaient probablement me faire plaisir en décapuchonnant leur stylo plein de respect ? Les cons !Et du ‘cher Monsieur Pivot’ long et solennel comme une citation à l’ordre des Arts et Lettres qui vous fiche dix ans de plus !

Un jour, dans le métro, c’était la première fois, une jeune fille s’est levée pour me donner sa place…
J’ai failli la gifler. Puis la priant de se rasseoir, je lui ai demandé si je faisais vraiment vieux, si je lui étais apparu fatigué. !!!… ?

– « Non, non, pas du tout, a-t-elle répondu, embarrassée. J’ai pensé que ».
– Moi aussitôt : « Vous pensiez que ? »
– « Je pensais, je ne sais pas, je ne sais plus, que ça vous ferait plaisir de vous asseoir. »
– « Parce que j’ai les cheveux blancs ? »
– « Non, c’est pas ça, je vous ai vu debout et comme vous êtes plus âgé que moi, ça a été un réflexe, je me suis levée. »
– « Je parais beaucoup… beaucoup plus âgé que vous ? »
– « Non, oui, enfin un peu, mais ce n’est pas une question d’âge. »
– « Une question de quoi, alors ? »
– « Je ne sais pas, une question de politesse, enfin je crois. »

J’ai arrêté de la taquiner, je l’ai remerciée de son geste généreux et l’ai accompagnée à la station où elle descendait pour lui offrir un verre.

Lutter contre le vieillissement c’est, dans la mesure du possible, ne renoncer à rien.
Ni au travail, ni aux voyages, ni aux spectacles, ni aux livres, ni à la gourmandise, ni à l’amour, ni au rêve.
Rêver, c’est se souvenir, tant qu’à faire, des heures exquises.
C’est penser aux jolis rendez-vous qui nous attendent.
C’est laisser son esprit vagabonder entre le désir et l’utopie.

La musique est un puissant excitant du rêve. La musique est une drogue douce.
J’aimerais mourir, rêveur, dans un fauteuil en écoutant soit l’Adagio du Concerto n° 23 en La majeur de Mozart, soit, du même, l’Andante de son Concerto n° 21 en Ut majeur,
musiques au bout desquelles se révéleront à mes yeux pas même étonnés les paysages sublimes de l’au-delà.
Mais Mozart et moi ne sommes pas pressés.
Nous allons prendre notre temps.
Avec l’âge le temps passe, soit trop vite, soit trop lentement.
Nous ignorons à combien se monte encore notre capital. En années ? En mois ? En jours ?
Non, il ne faut pas considérer le temps qui nous reste comme un capital.

Mais comme un usufruit dont, tant que nous en sommes capables, il faut jouir sans modération.

Après nous, le déluge ?… Non, Mozart. »

Le temps qui passe est une douleur quand on le subit mais un bonheur quand on en jouit. Surtout si les derniers instants se jouent sur quelques notes de musique. En voilà une jolie façon de considérer la vieillesse (même si c’est chiant !).

A partir de maintenant, Bernard PIVOT … soyons honnêtes en reconnaissant que nous l’avions un peu oublié puisqu’on ne le voyait plus … va redevenir celui qui animait avec brio « Apostrophes » … la parenthèse s’est refermée et le passé nous est restitué comme un présent aux deux sens du mot.

Jean-Paul BOURGÈS 7 mai 2024

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Le temps qui passe est une douleur quand on le subit mais un bonheur quand on en jouit. Surtout si les derniers instants se jouent sur quelques notes de musique. En voilà une jolie façon de considérer la vieillesse (même si c’est chiant !).<br /> <br /> A partir de maintenant, Bernard PIVOT … soyons honnêtes en reconnaissant que nous l’avions un peu oublié puisqu’on ne le voyait plus … va redevenir celui qui animait avec brio « Apostrophes » … la parenthèse s’est refermée et le passé nous est restitué comme un présent aux deux sens du mot.<br /> <br /> Belle "chute" du texte de Bernard Pivot, belle "remonada" que ton texte, Jean-Paul !!!<br /> <br /> A bientôt.<br /> Amitié.
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