10 Octobre 2018
Sur de nombreux domaines le Pape François a pris des positions très nettes et courageuses ... mais les pesanteurs de la tradition le maintiennent figé dans certains schémas moraux, dont il est juste dommage pour les victimes traumatisées à vie, qu’elles n’aient pas déclenché les réactions de l’Eglise quand un grand nombre de ses prêtres se rendirent coupables de pédophilie, camouflée et niée par leur hiérarchie.
Entendons-nous bien, le Pape a parfaitement le droit de dire et rappeler que sa conception, si j'ose dire, de la protection de la vie démarre avec l'existence d'un embryon et que, pour cette raison, une interruption volontaire de grossesse (Dans un contexte médicalisé ou, comme auparavant, par des «faiseuses d'anges») est incompatible avec la morale de l'Eglise catholique et qu'il s'exprime là en tant que chef de cette Eglise. Mais cela ne lui confère aucun droit pour imposer ses vues à ceux qui n'appartiennent pas à son Eglise ... et pas plus le droit d'insulter ceux qui agissent dans le cadre des lois.
En prononçant cette phrase atroce : «Interrompre une grossesse c'est comme éliminer quelqu'un. Est-il juste d'éliminer une vie humaine pour résoudre un problème ? Est-il juste d'avoir recours à un tueur à gages pour résoudre un problème ?», le Pape s’exprime avec aussi peu de nuance et de respect des opinions différentes des siennes qu’un Donald TRUMP, un Matteo SALVINI ou un Emmanuel MACRON.
Est-ce une malédiction de l’époque qui conduit les dirigeants politiques et spirituels à plonger dans l’extrémisme ? Sommes-nous, nous les citoyens du monde, devenus si bêtes que l’on ne peut plus s’adresser à nous que d’une façon violente et outrancière ?
Ces paroles ne me semblent guère dignes d’un Jésuite, rompu au dialogue avec les autres, bien sûr dans l’objectif respectable de les convaincre.
La réponse qui me vient à l’esprit, c’est celle de Simone VEIL lorsqu’elle défendit la loi qui porte son nom devant l’Assemblée Nationale, le 26 novembre 1974. Face à une majorité dont elle faisait partie ... mais qui était plus que réticente, elle laissa bien loin ce concept ahurissant de «tueur à gages» que seraient donc les médecins pratiquant des IVG, en déclarant : « ... aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame».
Ce jour-là, la voix humaine, consciente des malheurs des autres, responsable et non bornée, ce fut celle de Simone VEIL ... tandis que celle du Pape est inaudible et inutilement provocatrice. Hélas, il va redonner de la vigueur à ceux qui dans la droite catholique extrême rêvent toujours d’en découdre tout en fermant les yeux sur tous les hommes, femmes et enfants que la misère tue par millions chaque année dans le monde ...
Jean-Paul BOURGÈS 10 octobre 2018