29 Mars 2016
Notre classe politique est vraiment pitoyable ! Et aussi légère que l’alouette, la gentille alouette dont la chanson propose de plumer le bec.
Le grand sujet qui agite ce petit monde politique, ce dont le bec des politiques est empli, qui fournit de la copie facile aux journaux et conduit à des cris d’orfraie, c’est de savoir si, dans notre bien beau pays, existeraient ou non « des Molenbeek » … et combien sont-ils avec cartes à l’appui.
Le nouvel épouvantail est une banlieue de Bruxelles où le réseau des terroristes utilisés par Daesh avait sa base arrière.
Ça n’est pas d’hier que des jeunes un peu paumés aient été chargés d’accomplir des attentats pour des mouvances similaires à Daesh, comme je le rappelais dans mon billet rédigé à l’occasion du vingtième anniversaire de l’enlèvement des moines de Tibéhirine. Et je me souviens de Khaled KELKAL qui vivait dans l’agglomération lyonnaise et sema la terreur.
Bien évidemment d’autres individus isolés ou, plus vraisemblablement constitués en petits groupes, vivent en France et sont susceptibles d’y commettre les mêmes actes criminels. Le nier serait tout bonnement stupide.
Doit-on, pour autant, parler de « Molenbeek français » ?
N’est-ce pas tout simplement un nouvel avatar d’une tendance à la ghettoïsation et à la stigmatisation sur l’apparence, sur la religion pratiquée, sur l’endroit où habitent les personnes ?
Le jour où l’on découvrira qu’une équipe de djihadistes s’est installée discrètement à Neuilly, rebaptisera-t-on la ville en « Molenbeek-sur-Seine » ?
Molenbeek est une commune d’environ cent-mille habitants dont les immigrés représentent de l’ordre de la moitié. Se rend-on compte de l’énorme injustice que l’on fait subir à ces cent-mille personnes en faisant du nom de leur ville un nom commun signifiant « nid de terroristes » ? En agissant ainsi n’est-on pas, tout simplement, en train d’aider Daesh dans son recrutement de jeunes ayant perdu tout espoir ?
Ne ferions-nous pas mieux de nous demander comment Daesh est né ?, avec le soutien de qui parmi nos « bons amis qu’on aime décorer de la Légion d’Honneur » ?, pourquoi des jeunes nés et élevés chez nous cèdent au mirage des soixante-dix vierges les attendant après qu’ils se seront fait exploser ? D’une façon plus technique, comment nos services de renseignement, si désireux d’écouter nos communications, n’ont-ils pas été capables d’identifier ces réseaux avant qu’ils agissent ?
La polémique sur le nombre de « Molenbeek » en France est dérisoire, mais elle montre, une fois de plus, notre incapacité à aborder de face les réalités … dont la « déchéance de nationalité » illustre sinistrement la profondeur dans notre classe dirigeante. Les soixante-dix vierges se refuseront-elles à un apatride ?
Jean-Paul BOURGЀS 29 mars 2016