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Un demi-siècle … aujourd’hui

Il y a cinquante ans, rentré chez moi à Paris, après une journée de travail (Ce jour-là j’avais animé une formation d’ingénieurs informaticiens en leur apprenant à concevoir des programmes informatiques à partir d’une bonne structuration des données), je me reposais un instant en écoutant le bulletin d’info de 19 h sur France-Inter lorsque j’entendis qu’un avion de ligne libyen avait été abattu par la chasse israélienne au-dessus du Sinaï. J’ai aussitôt décroché mon téléphone pour appeler Air France et dès qu’ils entendirent mon nom, ils me passèrent le responsable des équipages. Celui-ci me dit aussitôt : « Nous manquons d’information mais il semble bien que ce soit votre frère, Jacques Bourgès, qui était le commandant de bord du Boeing 727, et il semble ne pas y avoir de survivants ». Je partis immédiatement chez mes parents, en banlieue parisienne, afin qu’ils ne soient pas seuls quand ils apprendraient la mort de leur fils aîné … pour lequel ils avaient bien suffisamment tremblé quand, 19 ans plus tôt, il ravitaillait régulièrement sous la mitraille le camp de Dien Bien Phu en pilotant son DC3.

Mon frère, âgé de 41 ans, pilote chevronné et commandant de bord à Air France, faisait partie des équipes fournies par Air-France à Libyan-Airlines pour former leurs équipages civils. Les avions volaient donc avec un équipage franco-libyen mais dans des avions aux couleurs de la Libye.

Dans le contexte de tension régionale extrême entre Israël et les pays arabes … et particulièrement la Libye, où le colonel KADHAFI promettait périodiquement de détruire Israël, il n’était guère souhaitable d’aller chatouiller Israël sous ses moustaches et le Sinaï, territoire conquis par Israël à la suite de la guerre des six jours de 1967, était spécialement à éviter, car c’était quelques mois avant le déclenchement de la guerre du Kippour et la tension était palpable des deux côtés.

Par un malheureux concours de circonstances une tempête de sable cachait totalement la vue du sol, et, pour le même motif, les liaisons radio avec la tour de contrôle du Caire fonctionnaient mal privant l’avion de ses repères visuels et radio. C’est ainsi que le B727, venant de Benghazi en Libye,  dépassa l’aérodrome du Caire et franchit le canal de Suez sans le voir, en survolant par conséquent le Sinaï. La chasse israélienne rattrapa l’avion et, alors que mon frère avait fait demi-tour pour refranchir le canal, Mosché DAYAN, ministre des armées, donna l’ordre de l’abattre. L’avion tenta un atterrissage mais, privé de direction par le tir de rockets sur sa dérive, il se disloqua en atteignant le sol qui est très caillouteux à cet endroit. L’avion transportait une centaine de passagers et un équipage de huit personnes. Il n’y eut que cinq survivants, dont le copilote libyen … qui, étrangement, n’était pas dans le poste de pilotage à côté de mon frère pour cette tentative d’atterrissage.

Pour parachever leur forfait, les Israéliens commencèrent par annoncer que le pilote n’avait pas les qualifications pour piloter ce type d’avion (C’était tellement ridicule qu’ils durent vite cesser cette ânerie puisqu’il était, depuis plusieurs années commandant de bord sur B727) puis ils suggérèrent qu’il était peut-être drogué … et autres absurdités … bien vite abandonnées aussi.

Je pense qu’il est facile de comprendre ma réaction chaque fois qu’Israël agit en violation du droit international et, en particulier, en ignorant les multiples décisions de l’ONU, spécialement par rapport aux Palestiniens qui sont, à mes yeux, les vrais martyrs actuels du Proche Orient.

Jacques premier vol solo en 1951 Maroc

Jacques premier vol solo en 1951 Maroc

C’est dans cette liberté d’être enfin porté par l’air lors de ce premier vol, au-dessus de la région de Marrakech, en 1951 (Pris en photo depuis un autre avion par son instructeur), que je préfère me le rappeler en tentant d’oublier l’homme crispé en vain sur une machine qui ne répond plus, pour sauver ses passagers et lui-même.

Aujourd’hui, éprouvant le besoin d’être au calme en forêt et mon programme de la semaine me le permettant, je monte sur le Plateau vivaro-vellave, à « La Chaumette ». J’y serai bien pour repenser à ce jour et aux cinquante ans de violences qui n’ont jamais cessé depuis … sauf quand un premier ministre israélien, Yitzhak RABIN, tenta d’aller vers la paix, avant de mourir pour cette raison sous les coups d’un assassin fanatisé de l’extrême-droite israélienne … celle qui est encore au pouvoir dans ce pays.

Jean-Paul BOURGÈS 21 février 2023

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V
« Nous manquons d’information mais il semble bien que ce soit votre frère, Jacques Bourgès, qui était le commandant de bord du Boeing 727, et il semble ne pas y avoir de survivants ».<br /> <br /> J'appris la novelle de l'assassinat de mon frère à Vichy, le 17 février 1972, par une lettre baignée des larmes de ma mère reçu à Mexico ou je filais le parfait amour... <br /> <br /> 51 ans, c'était le même hier que le tien, je pense, Jean-Paul...<br /> <br /> A bientôt.<br /> Amitié.
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J
Bien sûr !