Du poison au quotidien ?

5 Mars 2021

Allez-vous lire, aujourd’hui :

- une confession d’un enfant du siècle dont je devrais rougir ?

- un billet conspirationniste ?

- une alerte scientifique ?

- la dénonciation des aberrations de notre surveillance de la consommation ?

A vous d’en décider, après avoir lu ce qui suit.

Tout part d’un texte qu’une ancienne camarade de lycée (Nous étions ensemble en classe de seconde, en 1958) m’adressa dans un envoi collectif par mail. Mais, avant d’en venir au contenu du document que je reçus, jeudi matin, je dois commencer par la confession … afin de me débarrasser de ce dont j’ai grande honte ... ou pas vraiment.

Confession … à peine avouable !

J’ai toujours eu horreur de m’occuper de ma petite personne en considérant, depuis aussi loin que je me souvienne, que la nature a parfaitement fait les choses et qu’il est superfétatoire de prétendre intervenir dans ses processus naturels. Mes parents avaient une dentiste qui, avec le temps, devint leur meilleure amie (Les deux couples, qui avaient, alors sans se connaître, habité plusieurs fois la même ville au même moment de 1930 à 1950, reposent désormais dans deux tombes voisines dans un cimetière en banlieue parisienne ... après s'être vus presque quotidiennement durant leurs dernières vingt années de vie). A 7 ans, l’apparition d’une carie sur une dent de lait, m'obligea à me rendre seul chez la dentiste et, avec le temps, je devins un peu un « enfant de la famille ». Je refusais de me brosser les dents en lui disant : « Avez-vous déjà vu un chien se brosser les dents ? Or ils ont toujours une magnifique dentition ! ». Cela me valut, en retour, un définitif « Jean-Paul tu es idiot ». C’était sûrement vrai, mais je ne considère toujours pas que cela pouvait être considéré comme une réponse à ma déclaration d’hostilité au brossage des dents. J’ai, par conséquent, tenu cette position pendant de très nombreuses années, malgré les protestations de mon entourage et, jusqu’ici, j’ai gardé une dentition parfaite, ou presque, que seul l’âge rend moins solide (Tout se détériore avec l’âge). Fin de cette confession ... et conversion tardive et récente au brossage des dents pour tenter d'éviter qu'elle se déchaussent en manifestant une volonté d'indépendance et le goût du voyage loin de ma cavité buccale.

Venons-en au « conspirationnisme ».

Le texte, envoyé par mon amie, explique le caractère tout à fait nocif du fluor, dont l’auteur de l’article dit que « le fluorure de sodium est connu depuis longtemps en tant que répressif majeur des fonctions intellectuelles ». Et il ajoute « qu’il est pourtant incorporé à la plupart des dentifrices ».

Bien entendu je suis totalement incompétent pour contester ou confirmer cette propriété du fluorure de sodium, mais il est vrai qu’un dentifrice digne d’intérêt se doit, manifestement, de comprendre une petite dose de ce sel issu du mélange de l’acide fluorhydrique et de la soude (On en produit 7 millions de tonnes par an ... ça fait beaucoup de tubes de dentifrice).

Là où le propos s’envole vers des sphères discutables, c’est quand l'auteur pense que si l’on met de ce produit, qu’il qualifie de « poison », dans les dentifrices, c’est pour nous rendre plus dociles en portant atteinte, à petite dose mais jour après jour, à nos capacités intellectuelles et en nous rendant moins apte à réagir face à l’autorité (Rappelons que, dans la même famille des halogènes, on raconte qu'on utilisa longtemps le brome, sous forme de bromure ajouté dans les brocs de vin des pensionnats de garçon, pour calmer les ardeurs de jeunes titillés au printemps par des envies de rut).

L’article ajoute, last but not least, que ce fluor ne renforce nullement l’émail des dents, mais au contraire, le fragilise … comme des études scientifiques l’auraient, dit-il, démontré.

Par ailleurs il explique que, si on a commencé à mettre du fluor dans les dentifrices, c’est parce qu’aux Etats-Unis, une entreprise purifiant de l’aluminium avait du fluor comme déchet industriel de son processus de purification et avait trouvé-là un moyen de s’en débarrasser en le valorisant à un prix élevé.

La boucle se boucle … le complot est parfait, avec tous les ingrédient idéaux : la démonstration scientifique, l’incompétence des professionnels, les intérêts occultes d’un industriel … et la recette miracle pour assagir une population dès l’enfance … à toute petite dose … qui est le rêve des politiques. Fin du chapitre conspirationniste.

Terminons avec nos dispositifs de protection des consommateurs.

Sommes-nous vraiment bien protégés par les organismes public (Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes) et privés avec la multitude d’associations de consommateurs, parfois associées à des syndicats de salariés ? Des scandales comme ceux du Médiator, ou beaucoup plus anciennement de l’amiante … et, bien sûr les reculades gouvernementales face aux lobbys professionnels (L’histoire des néonicotinoïdes que les producteurs de betteraves firent réintroduire) peuvent légitimement conduire à en douter.

En tout état de cause ce texte concernant le fluor n’a rien de clandestin et on le trouve très facilement sur internet en utilisant les moteurs de recherche avec les mots « fluor » et « poison ». Du coup, ou bien ce qu’il expose est exact et comment laisse-t-on commercialiser les dentifrices qui intègrent du fluor ? Ou bien c’est du pipeau et pourquoi laisse-t-on propager des peurs injustifiées à propos d’un produit que les gens différents de moi s’introduisent dans la bouche une ou même deux fois par jour pendant de très nombreuses années ?

Quelle que soit la réponse à ces deux questions, le doute sur la protection de la population est légitimement installé … sauf pour les prudents qui ne passent pas leur temps à se brosser les dents … puisque les chiens ne le font pas.

Jean-Paul BOURGÈS 5 mars 2021