26 Juillet 2017
Samedi soir, Bélaïd m’offrit le livre dont j’ai repris le titre en tête de ce billet (Edition « Les ARENES, 27 rue Jacob, 75006 Paris).
Ecrit par Slimane ZEGHIDOUR, un journaliste grand-reporter qui publie des articles dans Le Monde, l’Obs, Géo, Télérama etc …, il raconte son enfance de gamin né en Kabylie un an avant le début de la guerre d’Algérie … et qui n’avait donc pas dix ans los de l’indépendance de l’Algérie. Puis, bien que sa vie adulte se soit déroulée en France, il parle dans les derniers chapitres de la période de la guerre civile, qu’il ne vécut pas personnellement mais que vécurent de nombreux membres de sa famille, dont il rapporte les témoignages qu’il recueillit sur place. Le lien entre les deux périodes vient surtout du fait que les autorités tentèrent de l’emporter sur l’adversaire les deux fois en vidant le territoire de sa population par la création d’une vaste « zone interdite ».
C’est la partie où il parle de son enfance qui m’a le plus intéressé.
Comme tous ceux qui s’intéressent à l’Algérie, et particulièrement à la Kabylie, je n’ignorais pas le drame stupide et honteux que furent les événements découlant des massacres du 8 mai 1945 à Sétif et dans d’autres communes voisines. Mais, même si ce qui s’y passa fut d’une gravité extrême, je n’avais pas perçu les répercussions dévastatrices que cela avait eu, jusque dans des hameaux totalement coupés du monde, comme celui où Slimane ZEGHIDOUR naquit huit ans plus tard.
Dans un style très agréable à lire, sans chercher particulièrement à nous tirer la larme à l’œil par un misérabilisme appuyé, mais sensible sans sensiblerie, il nous fait parfaitement comprendre ce qu’était le dénuement de ces fellahs du djebel et l’incroyable violence qu’on leur fit subir en les regroupant dans des camps destinés à les soustraire à l’influence du FLN et en les coupant de leurs racines et de leurs modestes moyens d’existence. Chaque fois, Slimane ZEGHIDOUR resitue clairement les événements qu’il eut à subir, positivement comme négativement, dans le déroulement de la guerre d’Algérie et les décisions politiques prises par les différents protagonistes.
Comme pour beaucoup d’entre nous, il n’est devenu ce qu’il est que par la fréquentation de l’école, dans le camp de regroupement, avec comme enseignants des appelés du contingent ou, surtout, Madame CABANAL. Sans la guerre, resté un enfant de fellah d’El-Oueldja, il n’aurait sûrement pas été à l’école et serait peut-être bien mort jeune de tuberculose … mais cela ne rend pas la guerre moins haïssable.
Je parle rarement d’un livre dans mes billets, mais là je le fais en recommandant sa lecture à tous ceux qui ne sont pas des adeptes du manichéisme, mais veulent progresser dans la compréhension d’une époque qui se termina par un chamboulement aussi fondamental, qu’ils l’aient vécue ou qu’ils soient nés beaucoup plus tard.
Ce livre est d’une humanité rare, on le ferme en aimant davantage les hommes qui montrent tant d’intelligence individuelle … et en déplorant plus que jamais qu’ils puissent être aussi bêtes collectivement.
Jean-Paul BOURGЀS 26 juillet 2017